5 Août 2023
C’était au commencement du monde. Les bons et les mauvais esprits se partageaient la terre ; nous devons croire que les bons esprits furent les plus forts puisque, malgré eux, la terre est restée et restera belle.
Un de ces bons esprits se reposait un jour dans une clairière. Il s étaient endormi près d’un feu qui commençaient à s’éteindre. Un mauvais esprit le guettait qui trop lâche pour s’attaquer ouvertement a celui qu’il détestait, crut le moment venu de lui jouer un mauvais tour.
Le génie malfaisant se mit donc à ranimer les flammes du foyer en y jetant des brassées de feuilles mortes, puis il poussa le dormeur si doucement et si régulièrement que celui-ci, sans rien sentir, finit par se trouver à peu de distance du feu.
Le mauvais esprit alimenta alors les flammes avec le bois sec qu’il avait préparé. Tout d’abord elles montèrent droites et belle vers le ciel. Il souffla de toutes ses forces : « Whou… Whou... Whou… ». De son souffle malfaisant, ou il mettait toute sa haine, il dirigeait le feu vers l’esprit du bien, dont les cheveux s’enflammèrent.
La douleur réveilla le dormeur qui affolé et hurlant, se releva bondissant et se mit a courir, ne sachant comment éteindre les flammes qui consumaient sa chevelure. Il ne pouvait courir loin.
Il savait qu’il risquerait d’incendier la forêt en la traversant pour aller se jeter à la rivière. Il fallait donc, tantôt bondissant et tournant sur lui-même, tantôt se roulant sur le sol nu, appelant désespérément : « au secours ! Au secours !au secours ! ».
Un de ses amis, le vent d’Ouest, l’entendit. Il arrive en courant. Il cueillit au passage le mauvais esprit qui s’enfuyait et l’écrasa contre un arbre, puis, voyant la chevelure en feu, le vent d’Ouest souffla de toutes ses forces sur la tête de son ami exténué. « Whou… Whou… Whou… ». Comme il est bienfaisant le souffle du vent d’Ouest !
Cette fois, chacun de ces « Whou… Whou… Whou… » arrachait l’un après l’autre les cheveux enflammés qui tombaient sur le sol. Ils y prirent racine car le grand manitou ne veut pas que la souffrance des bons soit stérile.
Il veut qu’elle serve à quelque chose. De chaque racine sortit une plante dont les feuilles, une fois séchées, rappellent les cheveux brûlés du bon esprit. Les indiens l’appelèrent « petun, nous l’appelons tabac ».
Ce qui prouve la véracité de cette légende, c’est que pendant de longs siècles, les indiens furent les seuls à connaître cette plante.
Il fallut la découverte de l’Amérique et l’exploration du Nouveau Monde par les Européens pour que le tabac fût importé en Europe, où son usage se propagea peu à peu.
L’abus qu’on en fait parfois est peut-être une vengeance des quelques mauvais esprits qui sont restés sur terre.